Texte : Laurent Pennequin ; Photos : Mercedes-Benz sauf indication contraire
Le marché nord-américain représente un débouché important pour le constructeur allemand depuis les débuts de son activité. Au début du vingtième siècle, l’Amérique est le meilleur marché d’exportation de Mercedes, pas encore regroupé avec Benz. Ainsi, en 1904, 25% de la production de la marque traverse l’Atlantique. À partir de cette année, Mercedes se met à produire localement dans une usine située à Long Island City, proche de New York. La voiture s’appelle l’American Mercedes. Elle y est produite jusqu’en 1907, année de la destruction de l’usine par un fe
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, tous les avoirs de Mercedes-Benz à l’étranger ont été confisqués. Le constructeur à l’étoile doit repartir à la conquête de ses marchés d’exportation. Le marché nord-américain garde une importance stratégique. Le premier importateur d’après-guerre de Mercedes-Benz est Max Hoffman de New York.
Les modèles proposés aux États-Unis sont alors identiques à ceux vendus en Europe. Leur éclairage est toutefois adapté aux normes locales. Ainsi les Mercedes-Benz destinées à l’Amérique du Nord sont équipées de phares ronds, verticaux et non affleurant. Des indicateurs de direction orange sont ajoutés à l’avant. Ils sont de couleur rouge à l’arrière.
Les ventes demeurent toutefois limitées. Mercedes-Benz ne vend que 437 voitures aux États-Unis en 1954. C’est alors que l’importateur Hoffman pousse la marque à réaliser un roadster économique pour augmenter les résultats commerciaux. Sur la base de la Ponton (W121) et en reprenant le style du coupé 300SL, la 190SL est dévoilé au salon de New York 1954. Sa production démarre au printemps 1955. Ceci permet aux ventes d’atteindre les 3 000 unités en 1957.
Pourtant la même année, Mercedes-Benz décide de se passer des services de son importateur. Les ambitions du constructeur sont à la mesure du potentiel du marché nord-américain. Un plus grand réseau de distribution lui est donc nécessaire. Ainsi, les Mercedes-Benz sont diffusées par les concessionnaires Studebaker-Packard à partir de 1957 au terme d’un accord commercial passé entre les deux firmes. Les voitures allemandes sont désormais proposées dans 2 500 points de vente. Une filiale commune à Mercedes-Benz et Studebaker-Packard est créée à South-Bend dans l’Indiana en août 1958 : Mercedes-Benz Sales.
L’association peut paraître étrange parce que le constructeur américain est moribond. Il espère alors que Mercedes-Benz sera son sauveur. Pour Mercedes-Benz, les résultats ne se font pas attendre puisque les ventes atteignent les 13 739 unités en 1959.
En 1964, Studebaker-Packard fait faillite. Mercedes-Benz reprend alors à son compte ses activités commerciales sur le sol américain. En avril 1965, il crée une filiale Mercedes-Benz of North America dans la ville de Fort Lee située sur la rive de l’Hudson River opposée à New York. Désormais, la marque allemande possède son propre réseau de 400 concessionnaires, ex-Studebaker-Packard pour la plupart.
Les ventes de la marque à l’étoile commencent à décoller à partir de 1967, année où plus de 20 000 Mercedes-Benz sont écoulées sur le sol américain. Des catadioptres latéraux apparaissent sur les variantes nord-américaines pour le millésime 1968. Ils évoluent en feux de position latéraux, oranges à l’avant et rouges à l’arrière, à partir du millésime 1970.
La barre des 40 000 voitures vendues est franchie en 1972. Cette année est aussi importante parce qu’elle est celle de l’arrivée de versions nord-américaines spécifiquement développées pour ce marché par Mercedes-Benz. Ceci est lié à la mise en place de normes américaines de plus en plus sévères en matière de dépollution des moteurs et de sécurité passive.
La gamme Mercedes-Benz nord-américaines pour le millésime 1972 est dévoilée le 2 août 1971. Elle comprend quatre versions inédites et réservées à ce marché : les W108 280SE 4.5 et 280SEL 4.5, la W109 300SEL 4.5 et enfin la R107 350SL. Cette-dernière a été aussi lancée au printemps 1971 en Europe. Elle remplace la W113 280SL. Si elle porte aussi l’appellation 350SL aux États-Unis, elle dispose là-bas d’un V8 4,5l et non pas du V8 3,5l.
Les premières normes antipollution sont entrées en vigueur pour l’année modèle 1972 en Amérique du Nord. La conséquence est que Mercedes-Benz doit remplacer son moteur V8 3,5l de 200ch DIN par un moteur V8 4,5l qui délivre cinq chevaux de moins soit 195ch DIN (ou 230ch SAE brut).
Le millésime 1973 voit le lancement de la série W116 disponible outre-Atlantique uniquement en 450SE ou 450SEL. À cette occasion, le roadster 350SL est rebaptisé 450SL. Cette année-là, le coupé 450SLC est lancé. Mais le V8 4,5l nord-américain dépollué rend 30 chevaux au V8 4,5l européen.
Bien que les Mercedes-Benz nord-américaines aient déjà perdues de leur superbe mécanique avec une puissance amoindrie par rapport à leurs homologues européennes, le législateur leur porte un coup supplémentaire pour le millésime 1974. À partir du 30 septembre 1973, elles reçoivent d’énormes pare-chocs à absorption d’énergie dit pare-chocs de sécurité. La conséquence immédiate de ce changement est une prise de poids de quelques dizaines de kilos et un allongement conséquent des voitures qui a pour effet d’alourdir sensiblement leur style, pour ne pas dire de les enlaidir. Les W115/114 voit ainsi leur longueur passer de 4,68m à 4,97m. Les R107 et C107 s’allongent de 25 cm. Enfin, la longueur de la W116 augmente de 26 cm. Last but not least, les normes antipollution se durcissent en Californie. La puissance de la 280 tombe à 123ch et celle des 450 à 180ch.
À 40 ans d’intervalle, les décisions politiques drastiques et précipitées des autorités nord-américaines pourraient sembler absurdes. L’industrie automobile dans son ensemble n’était pas prête à une évolution aussi rapide. Cependant, ce changement brutal a frappé l’ensemble des constructeurs automobiles. La seule solution était s’adapter ou disparaître. Ceci a finalement accéléré le progrès automobile.
Pour limiter les coûts engendrés par l’adaptation des moteurs aux normes US, Mercedes-Benz fait deux choix stratégiques : développer les versions Diesel et réduire drastiquement le choix de motorisations.
Sur le premier plan, Mercedes-Benz lance la 300D W115 doté d’un moteur diesel à cinq cylindres. Cette version n’est rien d’autre qu’une 240D 3.0 rebaptisée et américanisée. Sa remplaçante, la W123, lancée en décembre 1976 pour l’année modèle 1977, met encore plus l’accent sur le diesel. Un exclusif coupé 300CD apparaît pour le millésime 1979. Le break S123 n’est disponible qu’en 300TD.
Une 300SD W116 est lancée pour l’année modèle 1979. Son moteur cinq cylindres 3,0 litres turbo diesel développe 112ch puis 122ch en 1980. Pour le millésime 1983, la série W123 reçoit le moteur turbo diesel de 122ch. Deux modèles exclusivement américains apparaissent : la 300D Turbo Diesel berline et la 300CD Turbo Diesel coupé. La W123 n’est alors plus proposée qu’en diesel aux États-Unis jusqu’à son remplacement par la W124. La Classe S W126 reçoit aussi ce moteur turbo diesel que l’Europe ne connaîtra pas sous son capot.
La réduction des gammes s’illustre parfaitement avec le lancement de la W126. Elle n’est disponible qu’en 300SD ou 380SEL durant ces trois premières années de commercialisation. De même, le roadster SL R107 n’a été disponible qu’en une seule variante tout au long de sa carrière alors que plusieurs versions étaient proposées à la clientèle européenne : 350SL (V8 4.5) en 1972 puis 450SL de 1973 à 1980 puis 380SL de 1981 à 1985 et enfin 560SL de 1986 à 1989.
Une anecdote montre la complexité des différences ayant pu exister entre les versions européennes et nord-américaines. Il s’agit des Mercedes 380 (SL/SEL/SLC) du millésime 1981. En Europe, elles recevaient un bloc de 3818cc (alésage 92mm x course 71,8mm) développant 218ch. Aux États-Unis, elles disposaient d’un moteur de 3839cc (alésage 88mm x course 78,9mm) d’une puissance de 157ch. Il y a donc 380 et 380. Les cylindrées sont harmonisées en 1982 mais pas les puissances même si la version européenne perd 14ch à la suite de ce changement.
Les normes américaines atteignent le comble de l’absurdité en 1981 et 1982. Pour ces deux millésimes, un équipement particulier devient obligatoire sur tous les modèles de tous les constructeurs vendus sur ce marché. C’est un tachymètre gradué jusqu’à 85mph (136km/h) en 1981 et jusqu’à 80mph (129km/h) en 1982. La graduation de 55mph correspondant à la limitation de vitesse en vigueur est bien mise en évidence.
Malgré une gamme réduite, un style alourdit par les pare-chocs de sécurité et des moteurs essence ou diesel de faible puissance, le succès commercial de Mercedes-Benz outre-Atlantique ne se dément pas. Le seuil des 50 000 ventes annuelles est franchi en 1979 dont 70% de versions diesel. La barre des 70 000 exemplaires vendus est dépassé en 1983. Pourtant la gamme US de Mercedes-Benz de cette année-là se résumait à seulement huit versions avec un choix de trois moteurs ; un 4 cylindres 2,4 diesel de 68ch, un 5 cylindres 3,0 turbo diesel de 122ch et un V8 3,8 de 157ch montés sur les 240D, 300D Turbo, 300TD Turbo, 300CD Turbo, 300SD Turbo, 380SEL, 380SL et 380SEC. Trois de ses versions sont exclusives à ce marché. À titre de comparaison, la même année, Mercedes-Benz propose 37 versions sur les marchés européens avec 16 moteurs dont la puissance s’étale de 60ch à 231ch.
Les performances commerciales de Mercedes-Benz continuent de progresser fortement au cours des années 1980 aidées par la force du dollar américain. En 1986, la marque atteint un record de ventes à 99 314 unités. Mais les ventes reculent ensuite assez lourdement pour atteindre un point bas à 58 869 exemplaires en 1991, année de crise.
Les différences stylistiques entre les versions US et européennes deviennent mineures à partir de la série W126. Elles sont à nouveau réduites aux éclairages à partir des séries W201 et W124. Il n’y en a quasiment plus à partir de la série R129. Le nombre de versions disponible demeure réduit aux États-Unis par rapport au marché européen.
Avec le lancement de la 190 en Amérique du Nord, Mercedes-Benz maîtrise mieux les techniques de dépollution obligatoires aux États-Unis et bientôt en Europe. Les rendements de ses moteurs s’améliorent. La 190E américaine développe 110ch à son lancement en 1984 puis 122ch comme en Europe à partir de 1985. Mais il y a encore un petit subterfuge. La 190E US dispose d’une cylindrée de 2,3l au lieu de 2,0l en Europe. À partir de 1986, la 190E 2.3 devient disponible en Europe et aux États-Unis avec la même puissance de 132ch avec catalyseur. La même chose se produit pour la 190D : 72ch des deux côtés de l’Atlantique mais avec un moteur 2,0 litres en Europe et un moteur 2,2 litres aux États-Unis.
La première 500 américaine est lancée en 1984. Son V8 5,0 ne développe que 187ch. À partir de 1986, il n’existe plus de différence de puissance pour une même version entre les États-Unis et l’Europe si cette-dernière est équipée d’un catalyseur. Mais comme chaque règle a ses exceptions, il y a encore une seule version qui est disponible avec deux niveaux de puissance en 1986 : c’est la 300D Turbo qui développe 150ch en Amérique contre 143ch chez nous. Pour une fois, les américains ont eu la plus puissante mais pour une seule année puisque la puissance de la 300D Turbo est alignée à 143ch en 1987.
Pour le millésime 1986, un troisième feu stop arrière en position centrale devient obligatoire en Amérique du Nord.
Les dernières versions spécifiquement US sont la 560SL R107 diffusée entre 1986 et 1989, la 350SDL W126 proposée en 1990 et 1991 et la 350SD W126 du millésime 1991.
Vous pourrez noter après 1986 des chiffres de puissance différents entre les modèles européens et américains si vous consultez des magazines ou des brochures en provenance d’outre-Atlantique. Mais cet écart provient d’unités de mesure différentes. Ainsi, les puissances des moteurs sont exprimées en horse power (hp) aux États-Unis. En Europe, nous utilisons les chevaux (ch). Ainsi 1 cheval équivaut à 0,9862hp. Une 500SL R129 de 1992 développe ainsi 322hp qui correspondent à 326ch. Une E55AMG W210 de 2000 a une puissance de 349hp équivalente à 354ch. Je vous laisse faire les multiplications pour vérifier.
Après cette date, les seules différences entre les versions américaines et européennes se situent au niveau des appellations. Ainsi les 260E, 250D Turbo et 280E W124 sont vendues en Amérique comme 300E 2.6, 300D 2.5 Turbo et 300E 2.8 entre 1990 et 1993.
De nouvelles différences d’appellations apparaissent en 2006 à l’occasion du lancement de la nouvelle Classe S W221. La version S500 reçoit un V8 de 5,5 litres. Mercedes-Benz of North America décide alors de la vendre sous l’appellation plus logique de S550. Au fur et à mesure de l’installation de ce nouveau moteur dans les autres modèles de la gamme, sont présentées les E550, CLK550, CLS550, SL550, CL550, ML550, GL550 et G550. En revanche, il n’existe pas de R550 étant donné que Mercedes-Benz a stoppé la commercialisation de la R500 en 2007 aux États-Unis. Cette version V8 de la Classe R a pourtant poursuivi sa carrière en Europe avec le moteur 5,5 litres.
De manière identique, la C280 W204 devient C300 et la SLK280 R171, SLK 300. Pourtant les versions diesel restent des E320 et ML320 alors qu’elles auraient dû être des 300 si Mercedes-Benz USA voulait respecter la cylindrée du moteur. Mais il semble que c’est la logique du plus gros chiffre apposé à l’arrière qui était la règle. Pourtant le GL450 doté d’un V8 4,7 reste baptisée GL450 des deux côtés de l’Atlantique. Les voies du marketing sont décidément impénétrables. L’appellation 550 perdure avec l’arrivée du nouveau V8 4,7 monté sur les versions 500 européennes.
Des années 1990 au début des années 2000, une différence de carrosserie existe sur le capot de coffre arrière. L’emplacement pour la plaque d’immatriculation est réduit sur les versions nord-américaines des séries W202 et W203 (Classe C) ; R170 et R171 (SLK) ; C208 et C209 (CLK) ; W210 et W211 (Classe E) ; W140 et W220 (Classe S) ; C215 (CL) ; R129 et R230 (SL) ; W163 (Classe M).
Une nouveauté apparaît aux États-Unis en 2002 : le Mercedes G alors déjà en vente depuis 23 ans en Europe. Ce modèle faisait déjà l’objet d’importations parallèles à l’unité. Son homologation officielle intervient à un moment où les tout-terrains deviennent de plus en plus populaires.
Certains modèles Mercedes-Benz n’ont par contre jamais franchi l’Atlantique. Il s’agit des Classe A (W168, W169, W176) ; des breaks, à l’exception de la Classe E et du break C W203 ; des Classe V et des utilitaires, excepté le Sprinter commercialisé dans le courant des années 2000, et du dernier Vito (W447) vendu sous l’appellation Metris. Le Sprinter a aussi été vendu sous les marques Dodge et Freightliner. Enfin, la Classe B a été commercialisée au Canada dans ses deux générations. Aux États-Unis, seule la Classe B électrique (W246) est disponible.
D’autres modèles ont en revanche été spécialement conçus pour le marché nord-américain. Il s’agit des SUV. Mercedes-Benz a même construit une usine en Alabama pour produire la Classe M à partir de 1997. Ce site fabrique en exclusivité les Classe M, Classe GL et Classe R.
Cette famille de véhicules permet à la marque allemande d’enfin battre son record de ventes qui datait de 1986 avec plus de 122 000 voitures écoulées en 1997. Depuis les résultats commerciaux de Mercedes-Benz aux États-Unis progressent régulièrement. Le cap des 200 000 unités vendues est atteint en 2000 et celui des 300 000 en 2013. En 2015, ce sont 372 977 Mercedes-Benz qui ont été livrées aux États-Unis. En 1948, une seule Mercedes-Benz avait été vendue dans ce pays. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le marché nord-américain a absorbé 6,4 millions de véhicules portant une étoile au bout de leur capot.
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